1978-"The Kick Inside"

Saluton Kamaradoj,

Pour celles et ceux qui n'ont jamais lu Les Hauts de Hurlevent, j'ai rédigé un résumé du livre qui se trouve ici

http://humanisme.canalblog.com/archives/2020/04/14/38200722.html

Thierry, j'ai déplacé ta contribution et la conversation qui en a résulté dansle sujet "Influences". Après réflexion, il m'est apparu que la référence aux Pré-Raphaélites n'était pas spécifique à "The Kick Inside", même si, de façon évidente, elle y est déjà présente. De plus, ce sujet ("Influences") n'est pas assez exploité à mon avis, et comme, de toute évidence, tu me parais bien renseigné sur le travail de KB et pas mal de choses assez pointues sur les influences qui ont gouverné son travail, j'ai trouvé que ce serait intéressant (y-compris pour les "visiteurs") de regrouper toutes ces choses dans un sujet majeur qui mérite d'être étoffé. Je compte donc sur toi pour nous y aider! L'avantage de ce sujet, c'est qu'on peut y traitertout un tas de choses concernant sa musique, ses textes, l'imagerie (photos, clips)... Bref, c'est vrai que quand j'ai créé ce sujet, j'espérais qu'il puisse susciter plus d'intérêt et de contributions. Ceci-dit, depuis le temps que nous conversons sur tous ces sujets archivés dans différents forums aujourd'hui disparus (ceux de Swann, "The Dreaming" de Lulu"), il se peut que les membres craignent de passer leur temps à répéter les mêmes choses dans un cadre appelé, lui aussi, à disparaître un jour. Mais en tant qu'administrateur, étant conscient que pas mal de gens utilisent ce forum potentiellement pour y trouver des infos, je pense que ça peut valoir le coup de "radoter". Tes contributions seront donc les bienvenues Thierry!

Sinon, une petite réaction à ton post précédent concernant "Les Hauts de Hurlevent" et l'excellent résumé que tu en as fait (bravo, j'ai toujours été nul à cet exercice, l'esprit de synthèse n'étant pas mon principal atout... ). Mais c'est sur un aspect de l'intro, très bien structurée et rédigée, que je voulais rebondir:

Ce roman, où la passion où la passion poussée à son paroxysme se fait jour et qui l'éclaire d'une lumière jusqu'alors insoupçonnée, n'est pas le fruit d'une expérience vécue, sur le plan affectif.

Si on se place sur un plan amoureux, c'est tout à fait juste car on ne connaît à Emily (ou Anne) aucune liaison, même fantasmée. En revanche, pour beaucoup de chercheurs et de biographes, il est souvent reconnu que le personnage d'Heathcliff n'est pas que le fruit d'une imagination fertile. Beaucoup de ses caractéristiques sont attribuées à Branwell Brontë, LE frère si souvent négligé dans cette fratrie un peu mythique en Angleterre. La relation qu'Emily entretenait avec lui (considérée par certains comme symboliquement incestueuse, aspect qu'on retrouve d'ailleurs dans "Wuthering Heights, puisque Cathy et Heathcliff sont comme frère et soeur, même si ce n'est pas le cas génétiquement, ils ont grandi ensemble). Il existait dans l'esprit d'Emily une sorte de fascination et d'envie mêlées d'attitudes protectrices envers cet unique frère, lui aussi assez brillant mais incapable de concrétiser tous ses talents, de par l'intensité des projections familiales (le père et la tante, puis les soeurs par mimétisme) à l'égard de ce fils unique et surtout cet esprit sombre, (auto-)destructeur, tiraillé entre ses doutes et la conscience d'un potentiel peut-être surestimé ou surinvesti qui l'ont conduit à des dépendances néfastes comme l'alcool et les drogues (c'est très bien décrit dans le superbe film de Téchiné), entraînant ainsi l'ensemble de la famille dans un enfer quasi quotidien. On peut également attribuer à Branwell certaines caractéristiques du  personnage de Hindley Earnshaw, le véritable frère de Catherine. Quant à Cathy elle-même, on ne peut s'empêcher d'y retrouver une projection intérieure et fantasmée d'Emily Brontë elle-même, tout particulièrement dans le personnage enfant, ne perdant aucune occasion de parcourir les Moors, seule échappatoire à l'atmosphère étouffante du presbytère familial, moments de liberté et d'exaltation de la Nature indispensable à cet esprit rebelle et sauvage.

La relation qu'Emily entretenait avec Branwell était assez double: d'une part cette fascination et une certaine jalousie de cette indépendance masculine qu'elle lui enviait et cette préférence marquée du père (comme Heathcliff avec M. Earnshaw. J'ai toujours pensé qu'Heathcliff était un fils illégitime récupéré à la mort de sa mère, probablement prostituée. Pour moi cette histoire d'enfant trouvé ne fonctionne pas...), d'autre part cette attitude un peu perverse d'encourager Branwell dans ses errances et ses dépendances tout en feignant la protection et l'indulgence. On n'est pas loin de l'attitude de Cathy avec Heathcliff. Une relation d'amour/haine teintée de jalousie comme l'a si bien décrit KB dans son "Wuthering Heights".

Merci Pierre.
J'ai beaucoup aimé le film de Téchiné. Il est rageant de penser que les rushes du film ont brûlé alors que Téchiné voulait sortir une version longue. Le tournage fut d'ailleurs houleux (jalousie entre Huppert et Adjani qui se disputaient Bruno Nuytten).
Le rapprochement que tu fais entre la vie d'Emily Brontë et Cathy pourrait-il être poussé jusqu'à la vie de Kate Bush et ses frères ???

hiram33 a écrit:J'ai beaucoup aimé le film de Téchiné. Il est rageant de penser que les rushes du film ont brûlé alors que Téchiné voulait sortir une version longue.

Oui, ça m'a aussi beaucoup énervé d'apprendre ça car le film est splendide (même si "reconnu" que très tard comme un grand film). Après, le film est déjà trèèèèèèèèès lent (ce qui, en soi, ne me gêne pas tant que ça), décrivant la monotonie et l'ennui de ces existences austères menées par une vie intérieure, elle, très riche. Je doute que beaucoup auraient résisté à une version longue alors que celle-ci paraît déjà interminablement ennuyeuse pour la plupart des gens. Mais sur la page précédente, je parle d'un téléfilm anglais, moins somptueux mais plus réaliste et vivant, édité en dvd en France. Je te le conseille si tu ne l'as pas vu. Tu peux encore le commander à la FNAC pour 13 euros ou sur Amazon pour 10 euros. C'est vraiment bien fichu et on commence dès l'enfance.

hiram33 a écrit:Le rapprochement que tu fais entre la vie d'Emily Brontë et Cathy pourrait-elle être poussé jusqu'à la vie de Kate Bush et ses frères ???

dans cette mini bio (la première datant de 1979/80):



les auteurs évoquaient une relation quasi incestueuse entre KB et son frère John Carder, ce qui l'a mise dans une colère folle contre Fred Vermorel, elle habituellement si indifférente aux ragots propagés à son encontre. Je n'ai jamais été un proche de la famille et KB est très secrète sur sa vie privée. Tout ce qu'on sait d'après plusieurs interviews, c'est qu'elle a bénéficié d'un environnement familial hyper protecteur et une éducation quasi idéale au sein d'une famille ouverte à la culture, éclairée intellectuellement ,très équilibrée et aimante. Petite dernière ayant 14 ans et 8 ans de différence avec 2 grands frères, on peut imaginer à quel point elle a été choyée et protégée. Le clan Bush a d'ailleurs été très impliqué dans les débuts de carrière, John Carder ayant une formation de juriste, les contrats avec EMI ont souvent été révisés, d'où cette autonomie revendiquée et précoce. Elle se décrit comme une petite fille plutôt sauvage et solitaire, livrée à son imagination, libre d'explorer tout un tas de choses, jamais brimée avec un entourage familial privilégié, tant sur le plan psychologique que financier. Donc non, je crois même si on peut rapprocher les 2 familles dans le cadre d'une émulation intellectuelle, artistique et créative, la comparaison s'arrête là. KB a grandi dans des conditions tout à fait idéales, un peu en vase clos mais avec une hospitalité certaine (d'après les témoignages de pas mal de musiciens ayant collaboré avec Madâââme. On sait que les décès consécutifs de ses parents ont été "dévastateurs" (selon ses termes) pour elle et expliquent, en partie, le long hiatus entre "The Red Shoes" et "Aerial", mais les relations avec ses frères (et le reste de la famille au sens large), même si professionnellement sont moins flagrantes, restent importantes, comme en témoignait Raven Bush (neveu de KB et fils de John Carder, comme sa tata assez avare de confidences sur la vie privée), musicien au sein de Syd Arthur.

Je relaie sur ce sujet l'info qu'a postée Renaud à propos du docu Arte consacré à "Wuthering Heights" et Emily Brontë pour ceux qui n'ont jamais lu "les Hauts de Hurlevent". C'est plutôt bien fichu et informatif. Et une apparition de KB dans son clip de "WH", of course:

"Finding Gondal", un EXCELLENT docu (le meilleur de tous ceux que j'ai vus) sur la vie et l'oeuvre des soeurs Brontë. Ce qui en fait l'intérêt particulier, c'est qu'il ne s'enlisent pas dans la bio des soeurs mais passent beaucoup de temps sur leurs récits en les résumant et en les commentant de façon très savante. C'est passionnant et très informatif. J'y ai appris une quantité detrucs, étant déjà pas mal informé sur la question. Pour ceux qui voudraient se concentrer sur "Wuthering Heights", le résumé (à 22'40) est réalisé de façon troublante car il ressemble à s'y méprendre à l'animation qu'avait réalisée KB pour "Lake Tahoe" (sous forme d'un théârre d'ombres chinoises) et c'est très super bien fichu! De plus, l'intrigue n'est pas complètement dévoilée car tout ce qui se passe pendant la 2e génération (principalement toute la vengeance d'Heathcliff et la description de sa perversité) n'est pas abordé. Comme la plupart du temps dans les adaptations, on se concentre principalement sur l'histoire de Catherine et Heathcliff et la séquence de hantise que constitue le socle de la chanson de KB y est présente.
C'est un docu anglais en VO, mais sous-titré en français. Je vous conseille vraiment de le regarder si vous voulez comprendre davantage tout l'intérêt du "WH" de KB. Les intervenantes sont brillantes et elles décryptent de façon impressionnante la richesse des romans des frangines.



Par ailleurs, sortie en mars 2023 sur les écrans français (c'est déjà sorti au Royaume-Uni) d'"Emily"une co-production anglo-américaine qui n'est pas exactement un biopic (on sait très peu de choses sur Emily Brontë, personnage très sauvage et réclusif), mais davantage une sorte de fantasmagorie sur la vie d'Emily Brontë. D'après ce que j'ai lu, le film a été plutôt encensé par la critique et l'actrice principale a été récompensée lors d'un festival:



La réalisatrice est elle même écrivaine, d'où le souci de focaliser davantage sur la création du roman, un peu comme dans "The Hours" de Daldry (un de mes films de chevet!) et la relation qu'un(e) écrivain(e) entretient avec son roman. Elle explique ça dans une interview après une courte présentation:





La démarche me paraît plutôt intéressante, pour moi qui apprécie rarement les biopics tels qu'ils sont généralement conçus...

Une vidéo qui résume bien le périple de KB au Japon en 1978. Avec certaines séquences mémorables dans leur surréalisme... On comprend cette sorte d' embarras à la fin...

J'ai appris très récemment que Wuthering Heights avait inspiré le compositeur Bernard Herrmann, plus connu pour ses musiques de films, pour la création de son unique opéra, composé de 1943 à 1951.

Il y a eu des représentations à Nancy en 2019, je serais assez curieux d'entendre et voir cela. Ils en ont parlé récemment sur France Musique, en citant Kate Bush....

Comme je l'avais dit, j'ai pensé qu'il serait intéressant que pour chaque album (sauf "The Red Shoes"), j'intègre la petite (? parfois très étoffée... ) chronique que Maxence a rédigée dans le sujet des classements préférentiels. J'ai pensé qu'elle pourrait peut-être servir de base à des réactions ou une discussion concernant chacun de ces albums. En tout cas, c'est une façon de saluer cet effort tout à fait louable:

Maxence a écrit:4) The Kick Inside



Mon premier vinyle... J'étais si heureux et tout fier de rentrer chez moi avec ça. Je crois avoir observé la pochette, captivé, pendant une demi-heure.
C'était l'album de la rencontre. L’album où j’ai véritablement rencontré la musique de Kate Bush, où j’ai découvert son style, son originalité, et son univers théâtral et littéraire. Ce n’est peut-être pas l’album le plus consistant de sa carrière, mais il dépasse les précédents albums de ce classement quand on découvre que toutes ces mélodies et ces textes si sophistiqués viennent de l’esprit d’une jeune fille prodige débarquant tout juste dans l’industrie musicale.
Beaucoup d’artistes ont parfois besoin de deux/trois albums pour véritablement s’affirmer musicalement et trouver leur voie, alors que Kate Bush, dès le début, donne le ton et convainc par ses talents évidents et surprenants, mais aussi par son originalité et son intransigeance.
"Wuthering Heights" en est l'illustration la plus frappante. Ma chanson préférée de tout son répertoire. J'ai été charmé dès le départ, littéralement, c'est-à-dire hypnotisé, envoûté par cette voix et par cette danse bizarre. Wuthering Heights semblait venir d'un autre monde. Et au même titre que la voix ou les paroles, extrêmement bien pensées, la musique instrumentale est à tomber par terre. Merci Ian Bairnson pour ce solo de guitare transcendant.    Je ne vais même pas essayer de m’étaler plus longuement, je dirai simplement que c'est la plus belle chanson "pop" de tous les temps d'après moi. Et puis, parfois et très étonnamment, la simplicité et le minimalisme de certains titres me frappent davantage que d'autres, comme le magnifique "Feel It". C'est "juste" Kate Bush à son piano, mais sa personnalité de dingue et sa sensibilité si particulière viennent donner une épaisseur phénoménale à la musique. Les paroles sont belles et sans prétentions, et sa voix est sublime. Et c'est cette capacité à toucher si facilement mon cœur qui fera la grande qualité de ce disque.

C'est un album touchant, qui m'a fait ressentir tellemeeeent de choses.
Je me rappelle encore de mes premières réactions à l'écoute du premier titre, "Moving", et d'à quel point ce fut un amour instantané.
Ces premières notes de piano si belles, puis cette étrange voix qui surgit. L'effet de surprise, l'enchantement.
J'avais 13 ou 14 ans quand je l'ai entendu pour la première fois, et je n'avais rien entendu de pareil auparavant. Je mettais souvent The Kick Inside lorsque j’étais seul la nuit pour écrire mon roman. Ça me permettait de rompre le silence et la solitude. La voix de Kate Bush m'accompagnait pendant la rédaction des aventures de mes personnages, et c'était un ressenti très agréable. Je me souviens même m'être dit "c'est elle, c'est elle que j'ai attendu pendant tout ce temps". Je découvrais enfin une artiste qui me parlait de A à Z. Je m'identifiais et me reconnaissais énormément dans son univers et dans ce qu'elle partageait, et c'était une première, donc les ressentis étaient très forts. Elle portait sa voix jusqu'à une autre dimension, théâtrale. Elle faisait une musique qui jonglait entre la pop, le rock et le baroque. Et par-dessus tout, elle aimait la littérature et y faisait référence.
Après "Wuthering Heights", la chanson titre est mon autre morceau préféré de cet album. C'est une chanson déchirante, presque de la musique classique.
C'est aussi la raison pour laquelle cet album est si haut dans mon classement. Ces émotions instantanées et cet émerveillement découlent d'une qualité immédiatement perçue, et les effets profonds que cette découverte a engendrés sur moi sont indissociables de la façon dont je le perçois encore aujourd'hui.

Hé oui... quand y'en n'a plus, y'en a encore....
Document incomplet en qualité pourrie mais totalement inédit (en ce qui me concerne du moins...), : une performance TV de "Wuthering Heights" (Magpie 1978):

Une version de "The Man with the Child in his Eyes" lors de la "tournée" promotionnelle au Japon. On connaissait déjà dans une version toute pourrite, là, c'est acceptable:

Il va falloir que j'utilise tout ce qui a trait au "Wuthering Heights" d'Emily Brontë dans ce sujet pour en créer un autre ou l'intégrer dans celui des sources d'inspiration...

Une petite vidéo d'un youtubeuse qui consacre sa chaîne à la littérature. Son interprétation du roman m'a frappé car elle est très proche de la mienne avec cette histoire de relation incestueuse qui lie les deux protagonistes, explication que je n'avais jamais rencontrée auparavant et qui m'est apparue assez clairement depuis longtemps. Et oui, Catherine et Heathcliff seraient frère et soeur, ce qui explique cet amour impossible et destructeur. Outre plusieurs extraits de films, elle intègre, en caméo, quelques images de la vidéo de KB pour illustrer le fantôme de Catherine.



Et pour compléter, un excellent docu sur Arte (dispo jusqu'au 26 septembre):