Happy Rhodes

Maxence a écrit:



L'été dernier, je suis tombé par hasard sur cette vidéo. Il eut d'abord cette voix très originale : si haute et étonnante, mais capable d'aller si bas, qu'on penserait entendre deux personnes distinctes. Et puis, il eut les instruments : des résonances tribales mêlées à des synthétiseurs aériens, pour un morceau planant et rêveur dont la magnificence m'a impressionné. Les paroles sont jolies et poétiques aussi, ça a participé à l'idée que je me faisais de cette chanson "When the rain came down, I was older than the Earth. I could die right now and plan another birth...".
Je suis tombé amoureux de ce titre, que j'ai écouté pendant des semaines, et cette étrange Happy Rhodes a suscité beaucoup de curiosité pour moi. Qui était-elle ??? D'où venait-elle ???   C'est donc en faisant deux/trois recherches que j'ai appris à connaître son parcours.
Elle est américaine et appartient aux milieux alternatifs des années 80. Totalement indépendante sur le plan de la composition et des instruments, Happy Rhodes coproduit ses albums depuis qu'elle a commencé à 19 ans, réalise elle-même ses pochettes à partir de ses dessins, est admirative de Kate Bush, de Peter Gabriel et de Wendy Carlos, et... N'a jamais bénéficié du moindre succès. Et quand on écoute ce qu'elle fait, cette dernière information a de quoi provoquer un pincement au cœur.

J'ai donc commencé par son troisième album, "Ecto", sorti en 1987, qui constitue un virage dans sa carrière. En effet, par le passé, Happy Rhodes ne réalisait ses albums qu'à partir d'une instrumentation quasi-exclusivement acoustique, là où sur ce disque, elle donne une plus grande place aux instruments électroniques.
Cet album est réellement fabuleux et mérite bien évidemment plus d'attention et d'écoutes. Les mélodies sont agréables et biens composées, parfois même très intenses, comme sur la chanson-titre "Ecto", que j'adore, ou bien sur le synthétique mais très beau "To be E. Mortal". La musique est vraiment minimaliste : une guitare et un clavier. Mais tant d'émotions et d'ambiances y sont exprimées... C'est sensible, doux et épris de vulnérabilité. Happy Rhodes fait beaucoup avec peu.  
Bien que l'album puisse d'après moi souffrir de quelques irrégularités en raison de titres parfois plus moyens, ou d'autres où la voix d'Happy Rhodes est mise exagérément en avant, je dois reconnaître que 80% des titres me perforent le cœur.... Sa voix est divine, elle vit la musique et attribue aux chansons une dimension très spirituelle et émouvante.
Alors certes, la production peut être jugée datée, mais moi je l'aime bien.   La filiation avec la grande Wendy Carlos est devinable sur cet album, même s'il me fait aussi penser à The Sensual World de Kate Bush, pour son approche minimaliste. De plus, Kate Bush et Happy Rhodes sont toutes les deux très précoces : les trois premiers albums d'Happy Rhodes, tous sortis en 1986 mais enregistrés sur plusieurs années, sont en fait constitués de tous les textes qu'elle avait composés jusque-là, donc pendant son adolescence.

Happy Rhodes n'est jamais parvenue à vivre de la musique qu'elle produisait, ce que je ne parviens vraiment pas à comprendre quand je vois son talent et ce qu'elle réalise.   Peut-être un manque de publicité... Dernièrement, elle a réalisé un concert pour une fan gravement malade, totalement gratuit et à ses frais. Il y avait pas mal de monde dans ce que j'ai vu, ce qui est une bonne chose. Je ne pense pas que le succès l'ait vraiment attiré à un moment. Elle produit de la musique pour la passion de faire de la musique, avec une démarche vraiment sincère et authentique. Mais cette absence de reconnaissance rend son travail encore plus attachant pour moi... Je bénis vraiment internet de pouvoir me mettre sur le chemin d'aussi belles choses, et de pouvoir donner un peu de visibilité à des artistes indépendants de ce type qui méritent que l'on se penche sur eux, et que l'on écoute leurs productions.

Quelques titres de cet album :









Une si belle reprise d'And Dream of Sheep...  

Pierre a écrit:Oui, Happy Rhodes... Voix assez extraordinaire, unique. Ce double registre est impressionnant!   On aurait aimé qu'elle ait plus de chance et trouve un label à même de financer une production qui aurait mis son travail en valeur. Malheureusement, cette auto-production "avec les moyens du bords" (souvent très synthétique) m'a toujours empêché de réellement succomber à son talent. Du coup, je préfère quand elle s'accompagne seule à la guitare. J'ai un album d'elle, un peu mieux produit, "Many Worlds are born tonight", un peu plus engageant, mais l'aspect un peu "sci-fi" me gêne un peu...
Celle qui, de façon flagrante, évoque à s'y méprendre le chant de KB à ses débuts (c'en est même plagiaire) s'appelle "Don't want to hear it". J'adore les lignes de chants, mais cette prod est vraiment très moche (à part les parties de cordes):



Je me souviens aux tous débuts que je participais au premier forum de Swann, quand Olivier nous avait présenté "When the Rain Came Down" comme un éventuel duo KB/Annie Lennox pour nous demander si on validait cette rumeur... Le débat avait été lancé... Perso, après plusieurs écoutes, je n'y croyais pas (surtout la partie Annie Lennox d'ailleurs), mais c'était tout de même troublant... Renaud doit s'en souvenir... Je regrette beaucoup l'absence d'Olivier, très investi dans un militantisme tout à fait respectable. Dommage qu'il ait cessé de venir sur le forum, il était tellement drôle et possédait une personnalité vraiment attachante, une véritable générosité...

Spoiler sur sa critique: