1994-"The Line, The Cross & the Curve"

L’INSTANT CHAOS #13 : KATE BUSH – The Line, The Curve And The Cross

Parce qu’un clip, c’est lorsque la musique commence, et que l’image – et donc le cinéma – prend le relais. Voilà le chaos en quelques minutes.

Kate Bush et le cinéma chaos, c’est une histoire d’amour discrète, mais une histoire d’amour quand même. Des renvois à Rendez-vous avec la peur (Hounds of Love), à la Hammer (Hammer Horror), à The Innocents (The Infant Kiss), à Shining (Get out of my house) ou encore à The Red Shoes pour l’album du même titre, où se glissent d’ailleurs Prince et Eric Clapton. En 1993, elle met en scène un moyen-métrage entier pour illustrer l’album en question: The Line, the curve and the cross, soit son Thriller à elle, sorti timidement en vidéo à une époque où elle intéressait moins le hit-parade. Un coup d’épée dans l’eau hélas, sonnant une longue pause avant son album Aerial en 2005.
The Line, the Curve and the Cross vaut pourtant largement le détour: pas moins de 6 chansons (Rubberband Girl, And so is love, The Red Shoes, Lily, Moments of Pleasure, Eat the Music) pour animer une fable fantastique entièrement réalisée par la chanteuse. Danseuse mélancolique, elle y rencontre un esprit malin tout en mono-sourcil incarné par cette barjo-chaos de Miranda Richardson: prisonnière d’un sort, elle lui demande de dessiner trois symboles (une ligne, une courbe et une croix) qui ne tardent pas à la libérer. Voilà Kate récompensée d’une paire de chaussons rouges, aussi magiques que ceux du conte d’Andersen. Cadeau empoisonné puisqu’au milieu des enfers, la jeune femme ne peut s’arrêter de danser. On y croise alors Lindsay Kemp en guide grimaçant, célèbre mime british qui fut le maître à penser aussi bien de Kate que de David Bowie (les esprits chaos se rencontrent, vous le savez bien).
Tournoyant et baroque, The Line, the curve and the Cross rappelle déjà les efforts de mise en scène flamboyants dont Kate avaient fait preuve dans le clip de The Sensual World, où elle dansait dans une forêt magique et mouvante à la Kwaidan. Entre la grandiloquence kitsch et l’émotion à fleur de peau, Bush fait rejoindre l’intime et le too much, avec en guise de point d’orgue, l’incroyable Moments of Pleasure, qui vole haut dans le vertige romantique. Envoûtée, aérienne, Kate y voltige à travers le temps et l’espace, le froid et le chaud, les étoiles et le néant. Chaos sublime.